Complications et erreurs de traitement lors de la thérapie parodontale non chirurgicale (Partie 2 de 5)
Publié par Denis Massé et Chau Nguyen le
Par Denis Massé et Chau Nguyen
Voici la deuxième partie d’une série de cinq de la traduction d’un article intéressant qui m’a été transmis par ma collègue Chau Nguyen* hygiéniste dentaire, consultante en parodontie à l’Institut dentaire international. Il traite des différentes erreurs iatrogéniques potentielles lors des traitements parodontaux non chirurgicaux. Parce que passablement exhaustif et couvrant plusieurs aspects, nous avons abrégé le texte et vous le présentons en cinq parties. Pour consulter la première, cliquez ici.
Pour avoir accès à l’article original, consultez :
Complications and treatment errors in nonsurgical periodontal therapy : Filippo Graziani, Manuel Tinto, Chiara Orsolini, Rossana Izzetti, Cristiano Tomasi. Première publication : 02 janvier 2023
Résumé
La thérapie parodontale non chirurgicale peut être sujette à l’iatrogénèse, ce terme désignant une maladie, un effet secondaire, une blessure ou une complication qui peut être attribué directement ou indirectement à une intervention thérapeutique ou diagnostique réalisée dans le cadre d’un traitement.
L’objectif de cette revue était d’explorer tous les aspects de l’iatrogénèse liés au traitement parodontal non chirurgical. Les complications et les erreurs de traitement les plus fréquemment rapportées décrites dans la littérature sont présentées et classées comme complications peropératoires et postopératoires et les effets secondaires du traitement parodontal non chirurgical.
La partie 1 de cet article, présentée plus tôt, traitait des lésions aux tissus durs : dents et restaurations
Effet du polissage à l’air sur la gencive
Dans la littérature, il a été rarement rapporté que les procédures de polissage à l’air peuvent provoquer le développement d’érosions épithéliales sévères des tissus mous buccaux.
Parmi les premiers rapports trouvés dans la littérature, Weaks et al et Mishkin et coll. ont comparé le traumatisme buccal des tissus mous causé par le polissage à l’air par rapport à la cupule en caoutchouc avec pâte prophylactique sur un total de 74 patients présentant une gencive saine ou une légère gingivite. Un indice de traumatisme gingival a été utilisé pour évaluer le degré d’irritation gingivale à différents moments (avant, immédiatement après et à 6 et 12 jours ou 7 et 21 jours). Bien que limité, un traumatisme des tissus mous a été constaté après les deux méthodes, le polissage à l’air produisant un traumatisme gingival statistiquement significatif plus important que la cupule en caoutchouc immédiatement après le traitement. À l’inverse, les deux traitements étaient comparables en termes de traumatisme gingival lors des visites de suivi. Par conséquent, aucune différence durable dans l’irritation gingivale n’a été observée chez les sujets présentant un bon état gingival. Toutes les érosions gingivales ont guéri sans incident après environ 1 semaine.
Kontturi-Närhi et al ont étudié les effets de l’utilisation d’un dispositif abrasif à poudre d’air pour nettoyer les dents de 20 patients ayant une gencive saine ou atteints de gingivite légère. Les saignements gingivaux ont été cliniquement enregistrés, tandis que l’état gingival a été classé à l’aide d’une inspection par microscopie électronique à balayage in vivo. Les changements érosifs gingivaux et les saignements gingivaux ont été augmentés après le traitement. La présence d’une inflammation gingivale avant l’instrumentation augmentait considérablement la gravité de l’érosion gingivale. De plus, le pourcentage de saignements gingivaux était positivement corrélé avec la présence de symptômes subjectifs pendant et après l’instrumentation (75% et 45% des patients, respectivement). Ces érosions ont été minimes et spontanément résolues en environ 2 jours.
Une étude sur des modèles animaux canins a mis en évidence le développement de changements érosifs épithéliaux après le polissage à l’air, qui augmentaient avec le temps d’application. Des changements épithéliaux ont été détectés dans la couche de kératine et ont finalement entraîné la perte d’épithélium et l’exposition du tissu conjonctif après 20 secondes de polissage à l’air.
Enfin, Petersilka et al ont observé le développement d’érosions gingivales après l’application d’un jet d’eau et de poudre de glycine ou de bicarbonate de sodium directement dans la face buccale/linguale d’une poche parodontale avec une angulation de 60°-90° à la surface racinaire pendant 5 secondes par dent. Le bicarbonate de sodium et le curetage manuel ont entraîné un score de dommages histologiques supérieur à celui de la poudre de glycine en raison des dimensions plus petites des granulés. Cependant, les tissus étaient intacts 2 semaines après la procédure dans tous les groupes. Ces résultats ont également été confirmés dans la revue systématique de Bühler et al, où la poudre de glycine produisait un degré réduit d’érosion de l’épithélium gingival par rapport à l’instrumentation manuelle et à la poudre de bicarbonate de sodium.
Dans l’ensemble, il semble que le polissage à l’air puisse causer des érosions gingivales limitées. L’ampleur des érosions dépend très probablement des dimensions des cristaux de poudre de polissage à l’air et de l’état d’inflammation gingivale sous-jacent. En effet, ces lésions peuvent être facilement prises en charge et tendent à régresser spontanément.
Complications techniques (fractures d’instruments)
La rupture d’instruments (sondes ou curettes) lors d’actes parodontaux est extrêmement rare. Cependant, la rupture de l’instrument peut survenir à la suite d’une mauvaise technique, de l’utilisation d’outils vieillissants ou de défauts de fabrication. En conséquence, la déglutition ou l’aspiration de fragments d’instrument peut se produire, ainsi qu’une inflammation locale, une infection locale et une translocation dans les tissus buccaux. Dans certains cas, il est important d’évaluer si le retrait des fragments est indiqué ou non.
L’étude rétrospective de Kwon et al a étudié l’incidence et les facteurs contributifs des fractures de curettes. 58 curettes parodontales brisées ont été analysées. Le surfaçage radiculaire a montré une incidence de fracture plus élevée (16,4 curettes pour 1000 procédures) que la chirurgie au lambeau (7,5) ou le détartrage supragingival (2,7). L’expérience clinique des opérateurs ne semblait pas être liée à l’incidence. Le point de rupture le plus fréquent se trouvait dans le tiers supérieur des lames des curettes, les Gracey 11/12 et Gracey 13/14 étant associées à un nombre plus élevé de fractures. Un plus grand nombre de fractures a été constaté au maxillaire. La plupart des fragments ont été enlevés par des méthodes non chirurgicales (autres curettes, pinces, aspiration, etc.).
Fait intéressant, comme on l’a vu dans certains rapports de cas, la rupture de l’instrument peut entraîner des complications importantes. Ingole et coll. ont décrit un cas de fracture de l’extrémité d’une curette Gracey déplacée dans le sinus maxillaire pendant le traitement parodontal des molaires maxillaires chez un homme de 28 ans. Après un examen clinique et radiologique, une procédure Caldwell-Luc a été choisie pour enlever le fragment. Des médicaments par voie intraveineuse et orale ont été administrés au patient après la chirurgie pour éviter les complications. Le site a complètement guéri 14 jours après l’intervention, et le sinus maxillaire est apparu clair lors du suivi radiographique.
Dans le rapport sur le cas de Kaufmann et consorts la découverte fortuite d’une pointe de sonde parodontale brisée (type AE P OWB) dans l’os alvéolaire de la mâchoire a été décrite chez un homme de 59 ans. La tomodensitométrie à faisceau conique a été utilisée pour la planification pré-chirurgicale et le fragment a été enlevé chirurgicalement sous anesthésie locale.
Dans le cas peu probable de la rupture d’un instrument parodontal, le clinicien doit le communiquer au patient et évaluer si le retrait est indiqué au cas par cas. Une radiographie périapicale ou même une tomodensitométrie à faisceau conique peut être envisagée pour la localisation du fragment.
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Espérant que le tout vous aura intéressé, les prochaines parties de l’article suivront sous peu et traiteront des erreurs iatrogéniques potentielles reliées aux dommages à la racine et à la pulpe, de la perception de la douleur durant et après les traitements, et finalement, de la comparaison entre les instruments magnétostrictifs et piézoélectriques et l’efficacité des traitements bouche complète vs par quadrants.
À bientôt,
Denis Massé, Cert. HD | Directeur de programme IDI
Chau Nguyen, HD | Directrice des services de consultation paro IDI
Toutes les sources proviennent de la bibliothèque en ligne de l’Université Laval. Pour toute information supplémentaire vous pouvez contacter Denis Massé au denis@idi.org.