Le dentiste généraliste, élément clé dans le dépistage des malocclusions chez l’enfant
Publié par Michel Champagne, Denis Massé le
Par Michel Champagne, Denis Massé
"Le rôle de ‘l’orthodontiste’ est d’assister intelligemment la nature dans son processus de développement squelettique, et ce faisant, de permettre le développement normal de l’os et de la dentition." Edward H. Angle 1911
Angle ne pouvait mieux dire! Il ne faut cependant pas oublier le rôle du dentiste généraliste qui,étant donné sa position privilégiée en côtoyant les enfants, est le mieux placé pour dépister les anomalies dès leur apparition afin d’orienter le jeune patient vers le traitement judicieux au moment le plus opportun. C’est ici que prend forme le concept d’orthodontie interceptive qui consiste à dépister et corriger les interférences ou les verrouillages afin de permettre un développement optimal de l’occlusion. Un verrouillage étant défini comme tout blocage qui pourrait interférer au développement maximisé du complexe craniofacial.
À titre de verrouillage, on peut penser par exemple à un surplomb vertical exagéré dû à un manque de croissance verticale postérieure, ou à l’inverse causée par une éruption exagérée des incisives. Pensons aussi à une infraclusie antérieure secondaire à une mauvaise habitude orale ou à une respiration buccale, à une occlusion croisée antérieure ou postérieure et à tout décalage en antéro-postérieur.
Le manque de croissance verticale en postérieur peut être corrigé par stimulation de l’éruption molaire, souvent par appareillage amovible préfabriqué ou individualisé. La supraclusie dentaire antérieure excessive tant qu’à elle se traite facilement avec une mécanique fixe minimale et simple. L’infraclusie antérieure avec ou sans habitude orale profite habituellement d’une approche par exercices fonctionnels et appareillage amovible ou fixe. Tant qu’à la respiration buccale, elle doit être considérée aussitôt que possible et une consultation en spécialité ORL doit être envisagée.
L’occlusion croisée postérieure demande une attention toute spéciale. Comme elle s’accompagne souvent d’une déviation des médianes, il est important d’évaluer les différences entre la dynamique occlusale et la position statique, la forme et la position des condyles de même que la symétrie de l’arcade autant au maxillaire qu’à la mandibule. Une occlusion croisée postérieure pourrait sembler être unilatérale alors qu’il s’agit souvent d’une adaptation posturale en réponse à une interférence occlusale. À la suite du diagnostic différentiel, la correction et l’élimination des interférences le cas échéant devraient être considérés aussitôt que possible.
L’articulé croisé antérieur demande une approche individualisée et il faut bien discerner la vraie Classe III de la pseudo Classe III. Il faut se rappeler qu’une pseudo Classe III non traitée risque d‘évoluer vers une Classe III plus sévère. La pseudo Classe III se traite en interception par des mouvements dentaires simples accompagnés ou non de développement transverse selon la nécessité. La vraie Classe III avec déficience maxillaire demandera probablement une correction de la transverse suivi de traction maxillaire avec masque facial et/ou un appareil amovible de type Frankel III, plusieurs possibilités existent.
En ce qui concerne les cas de surplomb horizontal excessif de Classe II division 1, certains auteurs 1 affirment que 80% des décalages de Classe II sont reliés à une rétrusion mandibulaire et gagneraient à être traités en interception. Il en va de même avec les malocclusions de Classe II division 2 qui présentent le plus souvent des problèmes de dimension verticale et de décalage antéro-postérieure.
Les cas d’encombrement pourraient souvent être prévenus suite à une gestion appropriée des espaces de Nance et une supervision adéquate de la séquence d’éruption des dents permanentes. Certains avancent même que le chevauchement peut être réglé dans 85% des cas si on traite en dentition mixte tardive2. Le dentiste généraliste se doit donc d’avoir un oeil aguerri pour le dépistage des malocclusions en développement chez l’enfant et ce à tous les stades de sa dentition.
1 James A. McNamarra Jr : Professeur au département d'orthodontie et de dentisterie pédiatrique de la faculté de médecine dentaire de l'Université du Michigan, professeur de biologie cellulaire et du développement à la faculté de médecine de l'Université du Michigan et chercheur scientifique au Centre pour la croissance et le développement humains. Il est l'auteur de plus de 190 articles scientifiques, a écrit, édité ou autrement contribué à 53 manuels et a présenté des conférences dans 43 pays.
2 Anthony Gianelli : Orthodontiste diplômé de la Harvard School of Dental Medicine. Il est devenu chercheur en orthodontie à Harvard en 1963 et a été nommé professeur agrégé d'orthodontie à l'Université de Boston en 1967. Il a obtenu son doctorat en biologie et biochimie de l'Université de Boston en 1967 et a reçu son diplôme de médecine de la Boston University School of Medicine en 1974. Il est également devenu professeur à plein temps à la Boston University School of Dental Medicine, poste qu'il a occupé jusqu'à son décès en 2009.