Rencontre avec Dr Lorne Golub, DMD, MSc, MD (honoraire)1

Publié par Denis Massé HD, Jacinthe Simard HD le

Par Denis Massé HD, Jacinthe Simard HD

Nous avons eu l’opportunité dernièrement de rencontrer ce géant de la parodontie, chez lui dans ses laboratoires à l’Université Stony Brook de New York. Nous en sommes revenus sidérés par ses connaissances et ne pas les partager avec vous serait pour nous un manquement éthique à notre devoir professionnel.

Alors, chers collègues, voici la brève histoire et l’accomplissement d’un grand homme pour la dentisterie et pour la médecine.

Un parodontiste canadien à Harvard

Canadien d’origine et gradué en médecine dentaire de l’université de Winnipeg en 1968, il décide de poursuivre avec une spécialité en parodontie qui l’amènera alors à Harvard School of Dental Medicine (HSDM). ‘’ Je savais dès le départ et même avant Harvard ce que je voulais. Je souhaitais être avec les plus grands experts chercheurs en biologie moléculaire et me concentrer sur la biologie de l’os et le contrôle de l’inflammation ’’. Côtoyant alors les plus grands médecins, microbiologistes, chimistes et autres spécialistes de la médecine, il décide d’orienter ses recherches sur la biologie du collagène :

J’étais particulièrement intéressé par la biologie du collagène car c’est une composante essentielle que l’on retrouve partout dans tout le corps, incluant les gencives, les os, les dents, les vaisseaux sanguins, bref dans tous les tissus. Ce qui m’était encore de plus grand intérêt était en fait les mécanismes d’actions de dégradation et de destruction du collagène.

Il ajoutera que c’est d’ailleurs encore, quarante ans plus tard, son principal sujet d’intérêt et de recherche.

Un chercheur renommé mondialement

Dr Golub est maintenant chercheur et distingué professeur à Stony Brook University of New York (SUNY), département de biologie et de pathologie de médecine dentaire. Il y continue ses recherches sur les façons possibles de prévenir la destruction du collagène – le facteur clé expliquant le développement de plusieurs maladies, tant buccales que systémiques – incluant entre autres la parodontite, l’arthrite rhumatoide, les lésions cutanées, le diabète, le cancer et les maladies cardiovasculaires.

Ses recherches l’ont mené à publier plus d’une centaine d’articles scientifiques suite à des études appuyées par les institutions les plus renommées dont le National Institute of Health (NIH) et le National Research Council of Canada (NRCC).

À ce jour, plus de 35 brevets sont issus des résultats de ses découvertes dont un concernant le Periostat, le premier médicament jamais approuvé par la United States Food and Drug Administration (FDA) de même que par Santé Canada ayant la capacité d’inhiber la collagénase, l’enzyme responsable de la destruction du collagène.

Une découverte inattendue à priori

Durant ses recherches sur le collagène et la parodontite, Dr Golub fit en fait une découverte inattendue : Les tétracyclines, jusque-là reconnues comme ayant uniquement un effet antibactérien pouvaient aussi bloquer la production de collagénase. Cette découverte a ensuite menée Dr Golub et son équipe à développer une forme de doxycycline (de la famille des tétracyclines) qui libérait une si faible dose sanguine qu’elle perdait ses propriétés antibiotiques potentiellement indésirables pour ne garder que celles souhaitées sur l’inhibition de la collagénase. C’était ce qui donna naissance plus tard à Periostat.

Mais encore beaucoup plus que pour la parodontite

Approuvé par la FDA en 1998 comme médication prescrite pour le traitement des patients démontrant une libération excessive de collagénase et d’autres enzymes du genre, Periostat est présentement le médicament le plus utilisé mondialement pour le traitement de la parodontite.

Periostat fut le premier médicament inhibiteur de collagénase administré systémiquement approuvé par la FDA, toutes maladies confondues ’’

fait noté fièrement le Dr Golub.

Bien que la maladie ciblée était alors la parodontite, cette découverte ouvrit la porte au traitement de plusieurs autres telles, la pemphygoide, la rosacée, l’acné, l’arthrite rhumatoïde, la perte osseuse post-ménopausale et les maladies cardiovasculaires.

Lorsque j’ai découvert que Periostat pouvait empêcher la destruction du collagène, j’ai réalisé qu’il avait aussi le potentiel d’agir partout dans le corps et que les bénéfices seraient possibles pour plusieurs autres maladies.

L’arthrite, par exemple, résulte de la destruction du collagène dans les articulations; le diabète tant qu’à lui augmente la libération de collagénase dans les tissus. Un dérivé du Périostat verra rapidement le jour en dermatologie ‘’ ORACEA ’’ approuvé aussi par la FDA comme médication anticollagénase pour le traitement de la rosacée et de l’acné.

Suivront bientôt plusieurs groupes de tétracyclines modifiées qui ont démontré des effets probants sur d’autres sphères de la médecine telles l’ophtalmologie, la pneumologie, la cardiologie, la cancérologie, la rhumatologie, l’endocrinologie et la dermatologie (et n’oublions pas la parodontologie!).

Le plus important peut-être, c’est que plus de trente ans plus tard, après des dizaines de recherches rigoureuses menées sur plus d’un millier de personnes et bien documentées, Periostat s’est avéré à tous les points de vue sans effets secondaires indésirables.

Une reconnaissance mondiale

Mentionnons aussi que suite à ses découvertes le Dr Golub a reçu plusieurs honneurs dont entres autres la mention ‘Émérite’ du National Institute of Health, un doctorat honorifique en médecine de l’Université d’Helsinki2 et le Golden Medal Award for Excellence in Dental Research de l’ American Dental Association.3

Même si tout a commencé par de ‘simples’ études en dentisterie, les travaux de cet homme exceptionnel auront ouvert la voie à des possibilités inattendues de traitements pouvant améliorer la qualité de vie de plusieurs millions d’individus. Lorsqu’interrogé, il vous dira en toute humilité :

Lorsqu’on m’invite maintenant dans les conférences en médecine un peu partout dans le monde on me demande souvent : ‘Tout ceci vient vraiment à la base des découvertes faites en dentisterie?’. Les gens restent bouche bée de découvrir que oui, la recherche en dentisterie peut avoir des retombées et des implications aussi larges.

Des regrets?

J’ai été privilégié de pouvoir rencontrer les plus grands chercheurs au monde et de travailler avec des collègues exceptionnels. Je sais maintenant que nos découvertes auront un effet sur la santé globale de plusieurs personnes et que le tout ne fait que commencer.

Nous travaillons présentement sur de nouveaux projets qui vont débouchés j’en suis certain sur d’autres découvertes qui vont grandement aider le monde de la médecine dans son ensemble.

Un seul regret s’il en est un en ce qui me concerne. C’est que les fruits et les retombées de tous ces travaux, qui étaient à l’origine ciblés pour la parodontite soient encore trop peu utilisés pour le traitement de cette maladie. Surtout du fait que la parodontite, une maladie inflammatoire chronique, est reconnue maintenant comme ayant des effets secondaires systémiques non négligeables sur le reste de l’organisme.

Après des dizaines d’études et plus d’une centaine d’articles scientifiques rigoureux démontrant à la fois l’efficacité et l’innocuité du Periostat, une question doit nous venir à l’esprit :
Les dentistes, parodontistes et hygiénistes du Québec auraient-ils été les seuls à manquer le bateau?

1 Tiré en partie d’un article paru dans le Harvard School of Medecine Bulletin, Vol. 71, no 1.
Traduit avec la permission de l’auteur, reproduction autorisée.
2 Ce type de doctorat honorifique remis l’Université d’Helsinki n’est en fait remis qu’une fois aux 25 ans à des individus ayant collaboré de façon exceptionnelle à l’avancement de la médecine.
3 Le Gold Medal Award est remis une fois aux trois ans à un dentiste qui par ses recherches a contribué de façon exceptionnelle à l’avancement de sa profession.

 

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isabelle@idi.org

514.795.1281

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